Le cycle d’expansion boursier devrait continuer mais pourrait entrer dans sa dernière phase – L’Agefi

28 janvier 2025

Le cycle d’expansion boursier devrait continuer mais pourrait entrer dans sa dernière phase

Article de Stéphane Levy, Stratégiste et responsable de l’innovation chez Chahine Capital, pour L’Agefi.

Malgré la forte hausse des actions américaines et européennes ces deux dernières années, il est encore trop tôt pour s’alléger sur la classe d’actifs, selon Chahine Capital.

L’exercice 2024 restera un bon cru pour les indices actions avec une progression du MSCI Europe net return de 8,6% et du MSCI USA net return de 24,6%. Plus important encore, l’année aura marqué une rupture salutaire avec la période 2020-2023 dominée par le manque de visibilité. Le principal fait de 2024 a été l’initiation d’une politique monétaire accommodante par les banques centrales, en juin pour la BCE et en septembre pour la Fed, ce qui était déjà anticipé dès le deuxième semestre 2023, signe d’une visibilité macroéconomique retrouvée.

L’année 2025 se présente comme une année charnière, durant laquelle le regard des investisseurs devrait se concentrer sur la mise en place de l’administration Trump et ses conséquences sur l’économie mondiale. L’Europe, faiblement valorisée, et soutenue par des baisses de taux qui ne devraient pas faiblir durant le 1er semestre ne nous semble pas dénuée d’atouts pour les investisseurs. Tout comme le marché américain, au sein duquel une majorité de titres restent fondamentalement attractifs.

Plus que jamais dans ce contexte en mouvement, il apparait important de prendre un peu de hauteur en évaluant rationnellement la situation au regard de nos quatre piliers traditionnels d’analyse.

Un cycle de croissance toujours porteur

Le premier pilier de notre analyse porte sur le Momentum économique. Notre indicateur propriétaire de Momentum économique qui dispose de 12 mois d’avance sur l’économie réelle, se maintient à un niveau élevé en Europe, malgré une légère consolidation observée depuis cet été.

Aux Etats-Unis, notre indicateur de Momentum économique se maintient à un niveau plus neutre qu’en Europe, tout en continuant de signaler un environnement expansif censé favoriser la classe d’actifs actions.

L’environnement reste donc encore procyclique et le consensus «Top-Down» des économistes table sur une croissance robuste en Europe et aux Etats-Unis, lors des prochains exercices. Alors que la croissance du PIB de la zone euro devrait atteindre 0,8% en 2024, une amélioration est attendue pour 2025 (+1,0%) et 2026 (+1,2%). Aux Etats-Unis, même si les économistes continuent d’anticiper une croissance bien supérieure à celle de l’Europe, la dynamique est moins porteuse qu’en Europe.

Ce signal positif devrait encore se poursuivre pendant quelques mois. Rappelons que les pivots monétaires accommodants mis en œuvre depuis le mois de juin par les grandes banques centrales sont la conséquence d’un phénomène positif, celui du combat gagné contre l’inflation. Cela tranche singulièrement avec les précédents historiques récents, où l’accommodation était initiée pour sauver un Etat en quasi faillite ou secourir un secteur financier exsangue. Un constat à même de soutenir les prochaines publications de conjoncture et notre indicateur de Momentum économique. Le plan de relance budgétaire massif annoncé en Chine est également un facteur de soutien dans les prochains mois. Toutefois, il ne faut pas exclure que ce signal cyclique porteur pour les actions depuis désormais 21 mois en Europe ne s’inverse courant 2025. Depuis 2003, le cycle expansif le plus long tel que révélé par notre indicateur est de 25 mois (deux fois observé : juillet 2012 à août 2014, puis de novembre 2019 à décembre 2021).

Une politique monétaire plus accommodante en Europe qu’aux Etats-Unis

BCE et Fed ont, comme anticipé dès l’automne 2023, initié leur pivot monétaire accommodant. La baisse des taux a été de 100 points de base des deux côtés de l’Atlantique. Ce rythme soutenu devrait être maintenu par la BCE au premier semestre 2025 afin de porter son taux directeur à un niveau proche de 2%, proche du niveau de l’inflation. C’est un autre son de cloche aux Etats-Unis, à ce stade. Les craintes inflationnistes liées à l’élection de Donald Trump ont conduit à une réévaluation significative des perspectives de baisse de taux. Une baisse de 25 points de base du taux directeur est désormais anticipée aux Etats-Unis lors du premier semestre pour amener ce dernier à un niveau proche de 4,25%.

Toutefois, les craintes inflationnistes liées à l’élection de M. Trump nous semblent exagérées. Protectionnisme économique et accommodation fiscale sont certes inflationnistes, mais c’est oublier un peu vite la promesse électorale faite de diviser le prix du pétrole par deux. Par ailleurs, il ne faut pas exclure une mise sous pression de la Fed pour inciter cette dernière à adopter une politique plus accommodante. 4,25% de taux directeur avec une inflation américaine actuellement à 2,7% (et un point mort d’inflation à 1 an de 3,0%) signifie que les taux réels seraient maintenus à un niveau compris entre +1,0% et +1,5% (vs 0% en Europe), niveau probablement jugé trop restrictif par le prochain exécutif américain.

Des valorisations attractives en Europe, excessives pour les indices américains capi-pondérés « traditionnels »

Le marché européen reste sous-évalué par rapport à ses standards historiques. Le PER 12 mois prospectif de l’indice Stoxx Europe 600, c’est à dire le rapport du cours sur le bénéfice attendu, s’établit à 13,3 fois contre une moyenne depuis 2000 de 14 fois. C’est encore plus vrai pour le segment des petites et moyennes valeurs (12,7 fois vs une moyenne de 14,7 fois).

Par ailleurs, le consensus «bottom-up» des analystes financiers s’est stabilisé depuis quelques mois et cela met en lumière un contexte à ce stade vertueux pour les valorisations : l’«effet temps» redevient porteur. La croissance attendue des bénéfices lors des 12 prochains est de +8,2% pour l’indice Stoxx 600, ce qui signifie qu’à marché stable, le PER baisse de 0,1 point chaque mois. Virtuellement, le PER de l’indice européen serait inférieur à 13 fois à la fin du semestre si le marché devait se maintenir à son niveau actuel.

Autre son de cloche aux Etats-Unis. Clairement, la valorisation du S&P 500 apparaît excessive. Cette dernière atteint 21,6 fois contre une moyenne historique à 16,7 fois, en raison de la forte concentration de l’indice sur des stars de la cote exagérément valorisées. Il est intéressant de noter que la valorisation de la version «Equal weight» de l’indice S&P 500 ne présente quant à elle aucun excès (PER 16,5 fois vs une moyenne de 16 fois), alors que le segment «Small et Mid» présente une légère décote par rapport à ses standards historiques (PER MSCI USA Small à +18,8 fois vs une moyenne de 19,2 fois). La cherté du marché américain est donc un trompe-l’œil qu’il s’agit de relativiser.

Rester investi pour les prochains mois

Après une hausse de près de +70% de l’indice américain et +40% des bourses européennes depuis à peine plus de deux ans, il peut paraître légitime de s’interroger sur la pérennité du rallye boursier actuel. Toutefois, il nous semble qu’il est encore trop tôt pour réduire son exposition stratégique aux actions.

Notre indicateur de Momentum économique continue de signaler un environnement favorable à la classe d’actifs des deux côtés de l’Atlantique. L’accommodation monétaire mise en œuvre par la BCE, bien plus puissante que celle anticipée pour la Fed à ce stade, ne devrait pas flancher, tout du moins au cours du premier semestre. Et ce d’autant plus que la Fed pourrait surprendre. Les valorisations ne révèlent aucun excès, sauf en ce qui concerne le très concentré indice S&P 500, voire même une sous-évaluation du segment des petites et moyennes valeurs. La saisonnalité reste favorable jusqu’au mois de mai.