La baisse des taux ne suffira pas pour faire face à la crise

25 février 2020

Le 25 janvier, nous titrions « Est-ce la fin de la fête ? » et malheureusement le réveil a été brutal. On a longtemps pensé que l’épidémie du Coronavirus resterait confinée en Chine et que nos systèmes de santé pouvaient surmonter facilement une telle crise. Le marché continuait de battre record sur record et c’est l’Italie qui a été le déclic avec une flambée d’infections suivie de l’alerte de l’organisme de santé américain. La correction a été d’une extrême violence, affichant 13% de baisse du plus haut au moment où nous rédigeons cette lettre en 8 séances de bourse. Les récessions historiques ont été précédées d’une chute d’un minimum de 20%, mais des corrections supérieures à ce chiffre n’ont pas toujours été suivies de récessions, à l’exemple de la crise de l’automne 2018 où les banques centrales ont sauvé la mise par la baisse des taux.

Les grandes victimes de la crise actuelle sont le secteur de l’énergie qui ne pèse plus que 3.5% dans l’indice contre 13.5% avant la crise financière de 2008, le tourisme et les voyages (aviation, croisières, hôtellerie, restauration, casinos), l’habillement. L’automobile, déjà au ralenti avant la crise, est sujette aux ruptures d’approvisionnement mais craint plus sérieusement une récession. Le secteur financier a corrigé plus que la moyenne, car il est exposé aux faillites des secteurs en crise et le spread sur les junk bonds a atteint 10% dans le secteur pétrolier. La propagation de la crise économique pourrait voir des licenciements qui ont déjà commencé comme chez Expedia.

Comme d’habitude face à la crainte d’une récession, les investisseurs se sont portés sur les valeurs refuges des emprunts d’États solides, l’or et le Franc Suisse. La crise de l’automne 2018 avait ses origines dans les hausses successives des taux de la Fed et le marché l’a forcé à faire machine arrière. La conséquence a été la flambée des actifs financiers sans aucune création de richesse additionnelle. La crise actuelle n’est pas liée à des taux élevés, mais à un vrai risque sur l’activité économique. Une société en train de mourir faute de clients ne va pas revivre parce que les taux sont à 0%, d’autant plus que personne ne lui prêtera de l’argent. Cette crise ne pourra pas être réglée par des mesures classiques des banques centrales injectant dans le système des liquidités qui ne vont nulle part… Il faudra distribuer l’aide directement à ceux qui en ont besoin pour leur permettre de surmonter la crise. C’est le moment d’envisager l’Helicopter Money ou aides directes aux consommateurs et entreprises. Hong Kong a décidé d’octroyer un chèque 10.000 HK$ (1283US$) à tout résident de plus de 18 ans et d’autres aides directes aux citoyens et entreprises.

Le marché met beaucoup d’espoir dans la baisse des taux de la Fed pour rééditer la séquence de la crise de l’automne 2018. Les taux à 30 ans sont à un plus bas historique de 1.65% aux US et négatifs en zone Euro. La courbe des taux laisse anticiper 3 à 4 baisses de taux de la Fed, mais la BCE attend de voir les effets à long terme de la crise… Mais, comme la Fed, nous pensons que la politique monétaire ne peut pas mettre à l’abri une économie menacée par la peur du Coronavirus. On commence à ressentir les effets des ruptures d’approvisionnement dans la pharmacie, la Chine ne pouvant livrer des matières premières à l’Inde qui est un grand exportateur. Apple, le Japon, la Corée subissent des ruptures. La perspective d’un rebond des profits pour 2020 s’éloigne, le consensus refluant rapidement à 5.6%. Notre estimation est à 1.5% s’il n’y a pas de récession et -14% en cas de récession. Le CAGR implicite dans les cours est revenu à 0.5% en raison des taux à 1.68%, et notre modèle est à 1.9%. Le cours d’équilibre est de 3241 pour une clôture à 2954 points. Mais pour des taux qui reviendraient à 2%, le cours serait à 2992 points. Dans le scénario d’une récession, où le taux baisserait à 1.5%, le cours objectif serait à 2776 points et bien au-delà si les taux sont à 1.25%. Ceci nous amène à revenir sur le marché en augmentant de 3% additionnels notre exposition de 35% aux cours successifs du S&P 500 de 2938 points (exécuté vendredi dernier) pour 1/5ème, de 2850 points pour 2/5ème additionnels et de 2750 points pour le solde. La même stratégie pour l’Europe s’applique quand ces seuils sont atteints pour l’indice américain.

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