Helicopter Money : arme de la prochaine récession ?

04 juin 2019

Nous voilà de retour à la crainte du prochain ralentissement ou récession, à chaque fois que le marché actions se met à tanguer et que la courbe des taux s’inverse. Le marché nous a donné raison sur notre dernière lettre du 27 avril qui avait titré « Le marché US surévalué de 9% selon nos modèles » quand l’indice S&P 500 affichait 2 940 points. L’indice a clôturé à 2 752. Il a fallu l’aggravation de la guerre commerciale avec la Chine pour déclencher un retour aux réalités. Et l’escalade continue avec des nouvelles menaces proférées chaque jour. Au lieu de faire front commun avec l’Europe, qui elle aussi se laisse berner par les chinois, Trump se prépare à l’attaquer. L’impact de cette guerre commerciale se fait sentir en bourse où la distribution spécialisée s’effondre face à la hausse des tarifs et où l’informatique voit ses exportations baisser sous l’effet de l’embargo et de la baisse de la demande. Face aux craintes de ralentissement et de retrait des capitaux de la bourse, les taux longs se sont effondrés aux US, ainsi qu’en Europe où les taux allemands sont négatifs jusqu’à 15 ans ! Le 30 ans américain s’est établi à 2.58%, la courbe s’est inversée jusqu’à 3 ans et le marché semble ORDONNER à la Fed de baisser rapidement ses taux, alors que la bonne santé de l’économie voudrait qu’on les hausse. Malgré un bilan de la BCE qui a gonflé à 4.7 trillions € (61% du PIB de la zone) et des taux négatifs, l’économie n’a jamais réussi à repartir. La BCE dit qu’elle a encore d’autres instruments dans sa boîte à outils si elle doit faire face à un ralentissement marqué ou à une récession : serait-ce l’utilisation de l’Helicopter Money dont elle trouve l’idée « intéressante » ?

Un largage de 50€ par mois et par adulte coûterait 160Mds € face à un bilan stérile de 4700 Mds et pourrait booster l’économie de plus de 1% avec des retombées fiscales inespérées au niveau des Etats. Plus le pays est pauvre, plus cette manne serait appréciée. Un tel coup d’éclat réconcilierait les citoyens avec l’institution tellement critiquée. Contrairement au Q/E où l’argent est resté confiné dans les banques pour finir chez les plus riches, la distribution directe de subventions aux ménages relancerait la consommation et les anticipations d’inflation. Aux États-Unis, le Q/E a reflaté les actifs financiers où les actions ont progressé en moyenne de 12% sur les 10 dernières années et Trump n’a fait qu’accélérer le phénomène avec sa réforme fiscale qui a creusé encore plus les inégalités. L’écart énorme entre la rémunération du capital et celui du travail atteint un niveau de rupture que les lois du marché devront corriger.

Les indicateurs macro-économiques montrent une grande stabilité avec la croissance mondiale inchangée à 2.9% cette année. L’indicateur avancé ISM aux États-Unis est le seul qui marque une rapide dégradation dans le secteur manufacturier et des services. Sous la crainte d’un ralentissement de la demande, le prix du baril s’est littéralement effondré de 19% de son plus haut, pour le bonheur des gilets jaunes. Nous constatons également une grande stabilité dans les prévisions de profits avec une hausse attendue de 2.1% cette année pour le S&P 500. Du fait de la baisse des marchés, les P/E de l’indice ont passablement baissé à 16.6x 2019 et 15.1x 2020.

Notre valorisation du S&P 500 a fortement augmenté sous l’effet de la forte baisse des taux et ressort à 2 993 points pour fin 2019. Elle s’établit à 2 785 points si les taux reviennent à 3% dans le scénario d’un retour au calme sur la guerre commerciale. Dans un scénario de récession modérée, l’objectif de cours instantané ressort à 2 666 points pour des taux longs qui baisseraient encore à 2.5%, soit encore 100 points en dessous des cours actuels. Nous préconisons comme stratégie de se repositionner partiellement sur ce cours car le marché risque d’exagérer la baisse. Nous maintenons notre décision d’être exposés en dessous de notre benchmark (35% au lieu de 40% dans notre cas). Le marché européen semble attractif avec des taux très bas, mais il reste dépendant de l’évolution de Wall Street.

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