Vers une nouvelle guerre des changes pilotée par les Banques Centrales ?

01 avril 2022

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine fait passer au second plan un changement majeur opéré depuis le début de l‘année : le passage à l’acte de certaines grandes Banques Centrales et la mise en place d’une politique monétaire volontairement moins accommodante que par le passé. Après la hausse de 25 points de base des taux directeur par la Banque d’Angleterre (Bank of England) le 3 février dernier (passé de 0,25 % à 0,5 %), la Fed a ainsi opéré mi-mars une augmentation de son principal taux directeur similaire à celle de la Banque d’Angleterre le mois précédent : +25 bp pour le porter à 0,5 % désormais. À cette occasion, Jerome Powell a précisé que les hausses pourraient gagner en importance et qu’elles interviendront autant de fois que nécessaire… estimant que l’origine de l’inflation américaine était suffisamment endogène pour actionner le levier des taux.

D’un autre côté, la guerre en Ukraine a fondamentalement changé la nature de l’inflation sur le Vieux Continent : d’une énergie chère (inflation conjoncturelle), nous sommes passés à une énergie rare (inflation structurelle) puisqu’il va falloir se priver à court et moyen termes des approvisionnements russes (pour rappel, le gaz russe représente 19 % de la consommation en gaz de l’UE et le pétrole russe, 16 %). Or cela fait déjà 9 mois que l’objectif d’inflation à 2 % de la BCE a été dépassé, précisément en raison de la hausse des prix de l’énergie. En février, la hausse des prix à la consommation s’est ainsi établie à +5,9 % (en variation annuelle) et le problème va logiquement s’aggraver. De la sorte, la BCE considère selon différents scénarios que l’inflation s’établira entre +5,1 % et +7,1 % cette année… Et l’institution monétaire européenne a également revu ses prévisions de croissance à la baisse à +3,7 % pour la zone euro en 2022 (contre +4,2 % précédemment). Mais dans la mesure où le conflit russo-ukrainien semble s’enliser, les prévisions seront inévitablement revues à la baisse dans les mois à venir.

L’asymétrie de comportement des Banques Centrales ne sera pas anodine sur l’évolution du marché des changes dans les mois à venir, amenant un surplus de volatilité sur les actifs internationaux.

Le meilleur exemple nous est donné par le Japon, avec une chute du Yen conséquente de -6 % depuis le début de l’année et de -17 % depuis début 2021. La monnaie japonaise réatteint désormais son plus bas de 2015 et de 2007. La raison est simple : le positionnement clair de la Banque Centrale japonaise est de poursuivre sa stratégie de soutien inconditionnel de l’économie en général et du gouvernement en particulier, en poursuivant ses interventions sur les marchés et en maintenant les taux à un niveau écrasé. L’écart de taux en résultant dégrade l’attractivité du yen pour les investisseurs internationaux, qui préfèrent se tourner vers des zones comme le Royaume-Uni et surtout les Etats-Unis, qui font de la lutte contre l’inflation une priorité et ont déjà enclenché un processus clair de remontée des taux.

Côté micro, la saison de publication du T4 2021 s’est terminée sur une très bonne note. En effet, la progression des bénéfices du S&P 500 s’est établie à +31,5 % (contre seulement +21,2 % attendus en fin d’année dernière par le consensus fourni par FactSet). Soit le 4ème trimestre consécutif affichant une progression des bénéfices supérieures à 30 %, du jamais vu depuis la période allant du T4 2009 au T3 2010 ! On notera tout de même qu’au T4 2021, le consensus n’a été battu que de 8,2 % en agrégé alors qu’au cours des 5 dernières années, les entreprises le battaient en moyenne de 8,6 %. Cela constitue selon nous le signe avant-coureur de la disparition de la tendance observée au cours des précédents trimestres de flux très importants de surprises positives sur le front de la microéconomie dès le début d’année 2022.

Finalement, dans un contexte où le différentiel de croissance devrait s’accentuer entre les Etats-Unis et l’Europe, avec comme conséquence une microéconomie mieux orientée outre-Atlantique que sur le Vieux Continent et un taux de change plus favorable au dollar, nous estimons que les conditions sont désormais réunies pour que les marchés actions américains surperforment à nouveau les marchés actions européens à court et moyen termes.

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