Marchés chers : oui ; en surchauffe : non !

03 juin 2021

En dépit de momentum macros et micros très bien orientés, les investisseurs commencent à douter de la durabilité du mouvement de hausse débuté il y a plus d’un an désormais. Les titres d’articles comme « Danger sur les marchés » s’accumulent, avec des analogies avec les années 2000 ou 2007-2008 qui fleurissent depuis quelques semaines. Mais, au-delà du rythme d’appréciation clairement déconnecté de la réalité économique, c’est surtout l’ambiance sur les marchés qui interpellent : le FLIPO (Free Lunch at Initial Public Offer) de la fin des années 90 a désormais été remplacé par le FOMO (Fear Of Missing Out)… La situation actuelle peut-elle, comme en 2000 ou en 2007, dégénérer dans les mois qui viennent ? Nous n’en sommes aujourd’hui clairement pas convaincus.

Les taux souverains semblent avoir atteint leurs points bas définitifs en fin d’année dernière, avec des niveaux négatifs dans de nombreux pays et un point bas historique à 0,5% aux Etats-Unis. La hausse des obligations souveraines s’est naturellement transmise au reste de la cote obligataire, qui elle aussi bat désormais des records de cherté, que ce soient l’Investment Grade mais surtout le High Yield dont le spread atteint des records de faiblesse aux Etats-Unis et en Europe. Il faut toutefois se méfier des conclusions hâtives, car si les taux nominaux n’ont effectivement jamais été aussi faibles par le passé, ce n’est par contre pas le cas des taux réels sur longue période. Dans ces conditions, nous estimons que les taux nominaux souverains et corporate devraient se maintenir durablement proches des niveaux actuels.

Les signaux de surchauffe paraissent aujourd’hui nombreux concernant les marchés actions, notamment si l’on se réfère aux épisodes passés. Pourtant, nous estimons là encore que comparaison n’est pas raison. D’une part, le momentum microéconomique est actuellement extrêmement favorable et permet de ramener le PEG ratio (qui prend en compte la croissance bénéficiaire anticipée) à des niveaux plus raisonnables qu’avant la crise du Covid. D’autre part, et à la différence du passé, les grands argentiers du monde affichent désormais clairement leur volonté de soutenir les marchés financiers, obligataires bien sûr, mais aussi actions. Et cela fonctionne, comme le démontre la relation évidente entre extension du bilan de la Fed et S&P 500. Dans ces conditions, même si le potentiel de hausse pour les marchés actions apparaît aujourd’hui limité au regard du chemin déjà parcouru, notamment aux Etats-Unis, les actifs risqués devraient toutefois être en mesure de se stabiliser durablement autour des niveaux actuels au niveau mondial.

La saison de publication des résultats s’achève sur des chiffres impressionnants aux Etats-Unis. En effet, si l’on s’intéresse au S&P 500, la quasi-intégralité des sociétés a aujourd’hui publié ses résultats (98% pour être exact, soit 495 sociétés sur les 500 que composent l’indice) et 87% d’entre-elles ont affiché des bénéfices par actions supérieurs aux attentes des analystes ! Un chiffre record depuis que FactSet fournit cette donnée (depuis 2008) ! Rappelons qu’en moyenne, les surprises positives sont de l’ordre de 74% (moyenne sur les 5 dernières années). De plus, la croissance agrégée des bénéfices attendus pour l’ensemble du S&P 500 au T1 2021 est aujourd’hui de +52% (contre seulement +23,8% attendu fin mars dernier et +15,5% attendu en fin d’année dernière), soit la plus forte hausse observée depuis le T1 2010 (+55,4% à l’époque) !

A court terme, notre modèle d’évaluation indique qu’une consolidation reste toujours nécessaire sur les marchés américains. Si les taux se stabilisent aux niveaux actuels, la correction devrait être de l’ordre de -9% à -10% de baisse. Notre scénario intégrant le fait que les hausses de taxes impacteront les bénéfices futurs des sociétés américaines à partir de 2023 (ce qui ne semble pas intégré dans les cours boursiers à l’heure actuelle) nous indique une baisse potentielle plus importante de l’ordre de -14% (si les taux se stabilisent), mais celle-ci se limiterait à -8% si les taux longs venaient à refluer légèrement vers 2%. Il nous semble donc toujours pertinent de recommander la prudence vis-à-vis des actions américaines. La zone euro continue de son côté à afficher une dynamique bien différente. Notre modèle d’évaluation nous indique que les actions européennes sont aujourd’hui à leur juste prix quel que soit le scénario envisagé. Comme le mois dernier, nous surpondérons donc toujours les actions européennes par rapport aux actions américaines.

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