L’inflation peut-elle vraiment faire son grand retour ?

08 avril 2021

Depuis bientôt deux mois, les commentateurs s’en donnent à cœur joie : l’inflation serait sur le point de faire un retour en force !
D’aucuns pensent qu’elle viendra du rebond des matières premières, d’autres des liquidités injectées dans l’économie par les gigantesques plans de relance subventionnés par les Banques Centrales, celui à 1 900 Mds $ de Joe Biden en tête. Les investisseurs n’ont pas tardé à s’emparer de la thématique… les anticipations d’inflation ayant violemment rebondi depuis quelques mois. Toutefois, nous considérons ces anticipations de marchés comme exagérées et nous ne sommes pas les seuls : les dirigeants de la FED et de la BCE sont unanimes quant au caractère « temporaire » du risque inflationniste lié au rebond du prix des matières premières et à des pénuries ponctuelles.

En outre, l’observation fine des données nous donne une image moins « dorée » de l’économie américaine que ne le prétendent les défenseurs du scénario inflationniste. Pour nous, l’absence totale de contraintes sur la production est un des points majeurs allant à l’encontre d’une remontée durable de l’inflation. D’une part, le taux d’utilisation des capacités de production reste à un niveau très faible à 73,8 %. D’autre part, le taux de chômage que nous recalculons en incorporant les chômeurs découragés et les temps partiels subis reste à 13,8 %, soit un niveau bien supérieur à celui d’avant crise (sans pour autant que nous constations à l’époque d’emballement de l’inflation salariale, notamment en raison d’un taux de syndicalisation des travailleurs en baisse depuis les quatre dernières décennies dans la plupart des grands pays riches).

Autre point limitant l’impact inflationniste du plan de relance à court terme, nous estimons qu’une très large part de ce dernier continuera à être absorbée par l’épargne. En effet, le comportement des ménages est, pour le moment, sans équivoque : les gigantesques transferts budgétaires distribués ont été épargnés plus que consommés. Enfin, l’essentiel de la consommation des ménages américains se traduit par une augmentation des importations de biens plus que par une intensification de la consommation de services. Ceci explique la faible corrélation entre demande intérieure et inflation sous-jacente, la seule capable de faire évoluer les politiques monétaires de demain.

Après un T4 2020 bien meilleur qu’initialement attendu par les analystes financiers avec finalement +4,0 % de croissance bénéficiaire, les estimations actuelles pour le T1 2021 restent très bien orientées. En effet, le consensus s’attend actuellement à une hausse des bénéfices de +23,3 %, soit la plus forte croissance bénéficiaire observée depuis le T3 2018. Au niveau sectoriel, le premier trimestre 2021 devrait être synonyme du retour en grâce des secteurs ayant le plus souffert au cours des 3 derniers trimestres de l’année écoulée : le secteur des biens de consommation cyclique, le secteur des matériaux mais également le secteur financier. Seuls les secteurs de l’énergie et de l’industrie restent encore pénalisés, mais la tendance devrait s’inverser.

Les craintes inflationnistes outre-Atlantique ont continué de faire pression à la hausse sur les taux longs à 30 ans. Dans ces conditions, notre modèle d’évaluation indique qu’une consolidation reste aujourd’hui nécessaire sur les marchés américains. Si les taux se stabilisent aux niveaux actuels, la correction devrait être substantielle avec -16 % de baisse attendue. Notre cible est toutefois légèrement moins conservatrice : considérant que notre modèle exprime surtout la nécessité pour le S&P 500 d’effectuer une respiration après une hausse quasiment ininterrompue (+75 %) depuis la mi-mars 2020, tout comme les taux longs qui devraient refluer à moyen terme autour de 2 %, nous retenons comme objectif un cours cible de 3673 pour le S&P 500, soit une baisse attendue de -7,5 % par rapport au niveau actuel. La dynamique est toute autre en zone euro où les craintes de retour de l’inflation sont inexistantes, dans un contexte où Christine Lagarde se montre très volontariste sur le sujet. La moyenne des taux à 30 ans s’étant stabilisée et le consensus n’ayant pas fondamentalement évolué depuis le mois précédent, notre modèle d’évaluation nous indique que le marché européen est proche de son prix d’équilibre. Dans ces conditions, nous surpondérons toujours les actions européennes par rapport aux actions américaines.

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