Défauts d’approvisionnement : de l’économie à la géopolitique mondiale

08 novembre 2021

La pénurie de semi-conducteurs a récemment fait couler beaucoup d’encre… Il faut dire que l’envolée des prix observée pour la reprise « post-Covid » est sans précédent : entre le point bas du T4-2020 et le point haut du T1-2021, le prix d’une puce a augmenté de près de +230 % ! Et même si les prix ont commencé à plafonner, ils se maintiennent à des niveaux très élevés : ils étaient en août encore supérieurs de +11,5 % à ceux constatés au plus fort de la précédente flambée de 2014, ce qui donne à réfléchir sur la nature actuelle du marché !

Il est évident que ce sujet dépasse désormais l’économie pour devenir géopolitique. Étant donné que cette technologie va rester primordiale pour le maintien (ou l’accès) au leadership mondial, toutes les grandes zones économiques mondiales désirent préserver leur indépendance en garantissant leur filière d’approvisionnement. Les annonces pleuvent désormais en ce sens. Aux Etats-Unis, le plan d’investissement dans les infrastructures de 1 200 Mds $ de Joe Biden (à l’heure actuelle toujours dans l’attente d’un vote définitif du Congrès) prévoit de consacrer 50 Mds $ à la R&D sur les semi-conducteurs. De son côté, Ursula von der Leyen a également marqué, dans son « Discours sur l’état de l’Union 2021 » (prononcé le 15 septembre dernier), sa volonté d’affermir la souveraineté technologique de l’Union européenne, en annonçant un objectif de production d’environ 20 % des semi-conducteurs dans le monde d’ici 2030 (contre 10 % actuellement). Cependant, si l’intention des autorités de l’UE est fort louable, il faut garder à l’esprit que le marché européen demeure largement en-deçà de ses concurrents chinois et américain et qu’il fait, en plus, montre de bien peu de vitalité.

Même si une partie du retard technologique peut toujours être rattrapé, il est fort à parier que les Taïwanais et les Sud-Coréens, acteurs principaux du marché, vont continuer de dominer l’industrie des semi-conducteurs pour longtemps encore. Dans ce domaine, la recherche est non seulement ardue mais le processus industriel est lui-même très complexe, hautement robotisé et avec plusieurs centaines d’étapes successives de fabrication. Or, tous ces éléments ont plutôt tendance à placer les leaders du marché dans une situation de monopole technologique où il va être difficile de venir les challenger.

Les deux dernières saisons de publications – marquées par de fortes révisions haussières et par des taux de surprises positives élevés – avaient constitué un facteur de soutien important pour les marchés actions outre-Atlantique, leur permettant ainsi de battre de nouveaux records historiques coup sur coup. La saison actuelle sera-t-elle du même acabit ? Pour le moment, tout le laisse à penser. En effet, les entreprises américaines affichent une résilience à toute épreuve. La saison des publications du troisième trimestre qui vient de commencer (23 % des sociétés du S&P 500 ont actuellement publié) se déroule sans anicroche : les analystes prévoient aujourd’hui une hausse des bénéfices de +32,7 % au T3 (contre +27,5 % à la fin septembre). Ce troisième trimestre marque donc la troisième plus forte hausse observée depuis 2010 (après le T2 et le T1 2021 avec respectivement +92,4 % et +52,7 %), toujours alimentée par un puissant effet de base hérité de l’année passée. Comme depuis plusieurs trimestres, le nombre de sociétés qui battent le consensus atteint des niveaux records avec 84 % de surprises positives depuis le début de la saison de publications. En agrégé, les entreprises ont ainsi publié des résultats pour le moment 13,4 % plus élevés que les prévisions des analystes.

Notre modèle d’évaluation indique toujours que les marchés européens sont plus attractifs que leurs alter egos outre-Atlantique. Avec les niveaux de taux actuels, les marchés américains pourraient connaitre une légère consolidation (de l’ordre de -5 % à -6 %). Mais avec un léger reflux de ces premiers à 1,75 % les actions américaines semblent globalement au juste prix. La microéconomie est clairement en soutien en Europe, les résultats 2021 s’avérant même meilleurs qu’anticipés. Dans ces conditions, notre modèle d’évaluation nous indique que les actions européennes offrent un potentiel de hausse d’environ 10 % – en particulier suite aux récentes révisions à la hausse des bénéfices – quel que soit le scénario envisagé (en cas de slow recovery, les taux tendront inévitablement vers 0). Comme le mois dernier, nous surpondérons donc toujours les actions européennes par rapport aux actions américaines.

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