2022 : est-il réellement possible de normaliser les politiques monétaires ?

05 janvier 2022

L’année passée aura été marquée par le revirement de la politique monétaire américaine. Durant toute l’année 2021, l’économie mondiale est restée suspendue aux lèvres de Jérôme Powell dont le discours a progressivement évolué vers la fin d’une politique monétaire restée très accommodante (120 Mds $ d’achats d’actifs par mois) jusqu’à l’automne. À cette période, la Fed a commencé à considérer que l’inflation serait potentiellement plus forte et durable que prévu, après de longs mois au-dessus de +5 % en glissement annuel : en novembre, les prix à la consommation ont progressé de +6,8 % sur un an et ceux de la production, de +13,6 % ! Le tapering a ainsi débuté au 4ème trimestre 2021 par une première réduction du rythme du programme d’achats de l’ordre de -15 Mds $ par mois. À partir de janvier, la réduction sera doublée, permettant à la Fed de stopper l’augmentation de son bilan dès la fin du trimestre, pavant ainsi la voie à une remontée des taux d’intérêt… si tout se passe bien.

Jusqu’à l’été 2021, l’inflation au sein de la zone euro est demeurée inférieure à la cible de 2 %, facilitant grandement les prises de position de Christine Lagarde. Mais à partir de septembre, les prix à la consommation ont commencé à grimper puis à rapidement accélérer pour atteindre en novembre +4,8 %, ce qui constitue potentiellement un record sans précédent pour l’union monétaire européenne depuis sa création ! Les prix à la production avaient quant à eux progressé de +21,9 % le mois précédent… Evidemment, un tel contexte a rendu le positionnement de la BCE plus difficile à défendre, alors même que son homologue américain annonçait un changement de cap. Malgré cela, Christine Lagarde reste quasiment inflexible, convaincue par des ventes aux détails encore poussives (+0,9 % en octobre 2021 en GA).

En Chine, la crise des promoteurs immobiliers continue d’inquiéter la sphère économique en ce début d’année. Il faut dire qu’en 2021, les investisseurs ont lourdement pénalisé le surendettement des principaux groupes chinois cotés : les cours d’Evergrande, de Kaisa et de Shimao ont ainsi respectivement chuté de -89,3 %, -75,3 % et -76,7 % sur l’ensemble de l’année passée. Somme toute, cela reste très amplement éloigné de leurs indices de références :
-23,5 % pour le MSCI Chine et -11,7 % pour l’indice Hang Seng. Ce facteur de risque s’ajoute à un déséquilibre de plus en plus frappant des fondamentaux macroéconomiques du pays, entre une demande intérieure qui s’affaisse et un commerce extérieur à la réussite toujours éclatante. Fort heureusement pour l’Empire du Milieu, ses exportations se sont très bien comportées, avec +30 % en 2021, compensant en partie le manque de dynamisme de la demande intérieure. Mais attention, cela rend aussi la Chine d’autant plus dépendante de ses bonnes relations avec ses partenaires économiques, dans un contexte toujours tendu au niveau international. Cela rend la tâche ardue à Xi Jinping, qui devra peut-être modérer son discours politique (sur le leadership mondial, la souveraineté de Taïwan, etc.) s’il ne veut pas fragiliser son modèle économique, très dépendant en ce moment du commerce extérieur. Reste à savoir s’il le fera, car cela serait en profonde contradiction avec l’objectif d’autosuffisance développé dans le programme Made in china 2025 et au travers du concept de « Prospérité commune ». Sous bien des aspects, la Chine reste ainsi un point d’interrogation pour 2022, bien loin du moteur incontesté que le pays a joué depuis désormais 20 ans pour l’économie mondiale.

Côté micro, l’année 2021 restera dans les annales. En effet, les estimations de croissance bénéficiaires pour le S&P 500 sur l’année (en attendant la saison de publication du 4ème trimestre) sont de +45,1 % ! Soit la plus forte croissance bénéficiaire annuelle jamais enregistrée depuis que FactSet a commencé à diffuser ces données en 2008 (le précédent record était de +39,6 % pour l’année 2010 à la suite de la crise des subprimes) ! Il en va de même concernant le chiffre d’affaires des sociétés du S&P 500 : en agrégé, la croissance estimée pour 2021 est de +15,8 % contre un précédent record de +10,6 % en 2011.

Les effets de base ayant désormais disparu, nous devrions à nouveau tendre vers des rythmes de progression plus « normaux » en 2022, rendant les bonnes surprises micro moins systématiques. Notre modèle d’évaluation indique que les marchés actions américains semblent au juste prix, tandis que les actions européennes apparaissent sous-cotées en fonction de l’évolution des taux (en cas de slow recovery, les taux tendront inévitablement vers 0). Le potentiel d’appréciation de +7 % à +15 % est atteint dans l’ensemble des scénarios envisagés.

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